lundi 12 février 2024

Mais tais-toi donc !

Moi, on m’a toujours appris que si « la parole est d’argent, le silence est d’or ». « Tourne sept fois ta langue dans ta bouche avant de parler ». C’est dire que la parole dite précipitamment, parfois dans un accès de colère, peut causer beaucoup de dégâts et vous revenir comme un boomerang. Allez une petite fable avant de continuer ! Un jour, le lion, roi de la forêt, rencontre un bûcheron. Le croquer ? Ah la belle affaire ! Le seigneur des animaux s’émeut de voir cet homme chétif transporter ce gros fagot de bois et lui dit : « Vas, je ne te mangerai point ». Une fois revenu au village le bûcheron raconta à qui voulait l’entendre que le lion lui avait laissé la vie sauve mais qu’il avait une mauvaise haleine. Cette remarque fit le tour du village et arriva aux oreilles du Roi Lion. Un autre jour, le bûcheron tombe de nouveau nez à nez avec l’impressionnant fauve. Le lion lui dit : « prends ta hache et donne-moi un coup sur le front sinon je te mange ». L’homme, tremblant de tout son corps s’exécute, le lion ensanglanté lui tourne alors le dos et s’enfonce dans la forêt profonde. Bien des années plus tard, les villageois continuaient de parler de la mauvaise haleine du lion qui s’était rétabli de sa blessure. Une troisième fois le bûcheron tombe sur le lion qui lui dit : « tu vois, ma blessure a guéri, mais les mots durs que tu as dits contre moi continuent de me faire mal » et il l’avala d’une bouchée. La morale de cette histoire, c’est que les mots font plus mal que les coups ! Un clic, une claque Atal aurait dû y penser ! Youcef était promis à un bel avenir ! Transfuge du Paradou, il avait gagné ses galons à l’OGCNice et était devenu indiscutable au poste d’arrière droit chez les Fennecs. Ses déboulés faisaient la joie des puristes et plus d’une fois il avait inscrit des buts au Gym et chez les Verts après des actions individuelles, genre « j’y vais en commando ». Malgré ses blessures récurrentes, Atal avait de beaux jours devant lui au sein du club de la célèbre « Promenade des Anglais ». Mais voilà, sans trop y réfléchir, cinq jours après les attaques du Hamas contre Israël le 7 octobre et le début des bombardements d’Israël sur Gaza, il avait relayé, sur son compte Instagram, la vidéo d’un prédicateur, Mahmoud Al Hasanat. Ce dernier appelait Dieu à envoyer « un jour noir sur les juifs » et à « accompagner la main » des habitants de Gaza s’ils « jettent la pierre ». Et c’est là que Youcef a failli ! Il assimile les juifs aux Israéliens et dans la loi française cela devient de l’antisémitisme, du racisme, voire un appel au terrorisme. Youcef Atal, bien que vivant en France, n’avait pas assimilé cette règle fondamentale : pas d’insultes envers quiconque en raison de sa religion, de sa nationalité, de son orientation sexuelle etc.
Quand on ne sait pas, on se tait ! Cela lui a valu une levée de boucliers de tous les bien-pensants. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il l’avait bien cherché. Quand on est un personnage public et que son compte Instagram dépasse les 3,2 millions d’abonnés, on ne se comporte pas comme si on était un simple footballeur de seconde zone de « Bir Kekchoz » qui veut frimer devant les gosses de son quartier. Je n’ai pas voulu réagir, en tant que journaliste-universitaire-blogueur avant que l’affaire ne soit jugée. Aujourd’hui que la sanction est tombée et la tension retombée, je conseillerais à Youcef Atal (et à tous les footballeurs qui seraient dans le même cas que lui) de s’adjoindre un conseiller en communication ou bien de demander l’avis d’un avocat-conseil. Les conséquences de cette « affaire » sont importantes, presque dramatiques pour ce jeune pétri de talent : tous les projecteurs « bleus blancs rouges » ont été braqués sur ce footballeur de 27 ans et cela en pleine crise mondiale au Proche-Orient. Il n’avait que faire d’une telle publicité ! Certes, il a présenté ses excuses le lendemain même de la publication mais le mal était déjà fait. Mesure-t-il qu’en relayant ce message haineux envers les juifs, il s’en appropriait la teneur ? Aurait-il accepté qu’un autre footballeur de l’Hexagone traite les musulmans de terroristes en appelant Dieu à jeter sur leurs têtes toutes les « plaies » du monde ou retweete seulement un tel message de haine ? J’en viens à la question fondamentale de la formation. Il est de toute évidence que ce jeune homme, très talentueux, n’avait pas été préparé à s’intégrer dans un monde différent du sien au moment où il quittait le Paradou (PAC) pour rejoindre Nice en 2018. On aurait aimé que parallèlement aux instructeurs de foot, il ait été encadré, au sein du PAC, par des éducateurs chevronnés, psychologues, professeurs d’université ou avocats, qui l’auraient préparé à sa vie « d’après ». Il avait à peine 20 ans quand il a été propulsé dans ce monde du football professionnel. Au même âge des parents m’ont confié qu’ils n’avaient pas voulu que leur enfant aille étudier en France car le jugeant beaucoup trop jeune pour se débrouiller seul. Et que dire quand, en plus du manque de maturité, l’argent coule à flots ! Atal va payer cher ce manque de discernement. En plus des 7 matchs de suspension infligés par la Ligue Française du Football Professionnel, la justice l’a condamné à 45 000 Euros d’amende assortis de huit mois de prison avec sursis. Cela fait beaucoup pour un simple clic ! La vice-procureure a déclaré que « ce sont des faits graves, qu’il ne faut pas banaliser. Partager une vidéo, c’est s’attribuer les propos et leur donner une visibilité ». Atal et les autres joueurs de football retiendront-ils la leçon ? Loin de moi l’idée d’affirmer que quand on est un sportif on doit la boucler. Tout comme un artiste, un footballeur a LE DROIT DE DEFENDRE DES CAUSES, le tout est de ne pas piétiner le droit. Et voilà qu’arrive la CAN 2023 en ce mois de janvier 2024. Atal se tait et il a bien raison, sa titularisation face à l’Angola ne restera pas dans les mémoires. Les 7 matches de suspension auront pesé lourd. Mais si lui s’est tu, un entraîneur algérien de la Tanzanie a défrayé la chronique. Et une youtubeuse , fervente supportrice des Fennecs, aussi. Finalement le premier s’est fait débarquer en pleine CAN tandis que la seconde était expulsée « manu militari de Côte d’Ivoire. Pour Attal, finalement les choses semblent rentrer dans l’ordre avec son recrutement à la fin du mercato hivernal par le club de l’Adana Demirspor : mais attention de ne pas se prendre pour un nouvel « Attal turc » !