La scène se déroule dans un café de la banlieue d’Alger.
Je prête l’oreille à une discussion entre deux consommateurs : c’est mon
habitude quand on y parle de sport. Je me mêle aux échanges verbaux et voici ce
que j’en retiens : « vu tout l’argent
dépensé pour ces clubs, il vaut mieux tout arrêter et se concentrer pendant
quelques années sur la formation ». Sagesse populaire quand tu nous
tiens !
L’actualité brûlante m’a fait reporter une chronique
consacrée au récent colloque international sur « Sport et sciences sociales » organisé par Mme Imane Nefil
(ancienne internationale de volley-ball et directrice du laboratoire des
sciences sociales appliquées au sport au sein de l’ENS-STS exISTS) et qui a été
abrité par la salle des conférences du stade du 5 Juillet les 8 et 9 janvier 14.
J’ai présenté lors de cette rencontre réservée aux chercheurs algériens et
étrangers une communication relative aux fondements du sport professionnel et
que je conclus par la constatation d’une triste réalité à savoir :
•
Tous les clubs sont régis par leurs anciens
dirigeants (à quelques exceptions près),
•
Pas d’investisseurs (exception faite de
l’ETRHB, dirigée par les frères Haddad, qui a racheté l’USMAlger),
Ali Haddad qui a racheté l'USMAlger |
•
Pratiquement tous les clubs sont déficitaires,
•
Les charges salariales sont exorbitantes
(près de 80% des dépenses du club),
•
Des joueurs surpayés (sans pour autant
qu’il y ait règlement des dus à la CNAS ou aux impôts sous forme d’IRG),
•
Pas de commission de contrôle des
comptes au niveau des structures fédérales.
Pourtant lors de son lancement en 2009, ce championnat
professionnel semblait être la panacée pour tous les maux qui rongeaient notre
sport-roi. Les offres faites par l’Etat étaient alléchantes :
1- Un prêt financier
pour les clubs qui s’engagent dans le professionnalisme avec un taux bonifié de
1% étalé sur une période de 15 ans avec dix années de grâce.
2- La dotation des clubs d’une réserve foncière de deux hectares pour la réalisation d’un centre de formation de jeunes et de préparation technique en concession par gré à gré au prix symbolique de 1 DA le mètre carré.
2- La dotation des clubs d’une réserve foncière de deux hectares pour la réalisation d’un centre de formation de jeunes et de préparation technique en concession par gré à gré au prix symbolique de 1 DA le mètre carré.
3- Une aide de l’État,
à raison de 80% du coût destiné à la réalisation de cette infrastructure qui
comprendra des terrains, des vestiaires et autres commodités.
4- La prise en charge
des équipes de jeunes des clubs professionnels en matière d’hébergement et de
déplacements pour les compétitions.
5- La réduction de 50%
des prix des billets d’avion pour le transport des équipes professionnelles en
Algérie.
6- La prise en charge
de 50% des frais de déplacements du club professionnel pour chaque match qu’il
disputera à l’étranger au titre d’une compétition officielle africaine ou
arabe.
8- La prise en charge
des salaires des entraîneurs des équipes de jeunes catégories du club
professionnel.
9- D’autres mesures
pour la réduction des charges fiscales du club et du joueur professionnel sont
également envisagées.
32 clubs (16, soit l’ensemble, pour chacune des deux
divisions dites de l’élite) se sont rués pour transformer
leurs statuts de clubs amateurs en SSPA (Société Sportive Par Action). Le
gâteau était alléchant et la mariée trop belle !
Aujourd’hui force est de
constater que nous sommes passés d’un amateurisme marron à un professionnalisme
marrant ! Marrant ? On en rit d’entendre ces présidents de clubs « pleurer »
au micro de Football Magazine, l’émission
incontournable du vendredi 11h sur la chaîne 3 . Ils veulent
tous que l’Etat (providence) leur vienne en aide. Bien sûr, il ne leur
passerait pas par l’esprit qu’ils dirigent des entreprises privées et que l’Etat
n’a pas pour vocation de combler leur déficit. Que diriez-vous si le petit
artisan de votre quartier (plombier par exemple) s’adressait au wali (préfet)
pour résorber ses dettes… ? Vous en ririez certainement ! Mais comme
l’avait dit Alfred de Musset au sortir d’une pièce de Molière :
« Lorsqu'on
vient d'en rire, on devrait en pleurer ! ».
Nos Fennecs viennent des pays du froid |
Oui le football professionnel tel qu’il est devrait nous faire pleurer ! El Watan a publié dans son édition du 26/12/13 un dossier sur les salaires mirobolants des joueurs de ligue 1 algérienne. 3 millions de dinars (30 000 euros) pour certains soit quinze fois plus qu'un professeur d'université! La limitation des salaires des joueurs, imposée par la FAF (Fédération Algérienne de Football), n’est qu’un pis aller, autant mettre un emplâtre sur une jambe de bois. Le vrai problème n’est pas tant dans la limitation des dépenses que dans la recherche des sources de financement propres : des recettes liées au marketing (produits dérivés), aux abonnements, aux droits TV, à la vente des joueurs issus du centre de formation, aux primes accordées par la CAF (Confédération Africaine de Football) aux clubs ayant atteint les différentes phases finales de la ligue des champions et de la coupe de la Confédération. Tout ceci demande, pour être finalisé, une organisation et des compétences qui font défaut à nos clubs.
Que faut-il faire ?
Pourquoi ne pas
écouter pour une fois la sagesse populaire et « bloquer » ce
championnat pendant deux saisons et ne reprendre, parmi les clubs professionnels, que ceux qui auraient été rachetés par des industriels à l’exemple de l’USMAlger
et qui se seraient lancés, durant ces deux années de mise à l'épreuve, dans la formation intensive des jeunes. Ne pas participer aux compétitions
africaines est déjà le souhait de M. Raouraoua, le président de la FAF. Alors, on ne perdrait pas grand-chose d’autant
que les joueurs composant notre équipe nationale proviennent à plus de 90% de
championnats étrangers. Cet arrêt de la compétition ne changerait donc rien pour les Fennecs!
Qui aura le courage d’imposer cette mesure salutaire à des clubs budgétivores ?
Cette question s’adresse, entre autres, aux futurs candidats à l’élection présidentielle.
Il est temps de
mettre fin à cette tragi-comédie !
PS: vous pouvez vous abonner pour recevoir les prochaines chroniques (voir à droite de l'écran après "articles les plus lus").
La semaine prochaine: "Du tac au TAC"
La semaine prochaine: "Du tac au TAC"
La sagesse populaire est le meilleur antidote aux dérèglements des uns et aux billevesées des autres. Remettons les pieds sur terre et construisons du solide et du durable au lieu de cette insensés fuite en avant..
RépondreSupprimer