jeudi 4 septembre 2014
Des paroles et des actes
Beaucoup a été écrit sur ce meurtre ! Au vu de
la nationalité de l’attaquant de la JSK, la presse internationale en a fait ses
choux gras. Si un joueur algérien, peu connu, évoluant hors des divisions de
l’élite, avait été « descendu » dans les mêmes conditions, il
n’aurait peut-être pas « bénéficié » de la même couverture
médiatique. Il faut dire que l’affectif s’est très vite mêlé au factuel. On a
tout su de la vie d’Albert Ebossé, sa mère a parlé, sa fiancée aussi, ses
coéquipiers, l’âme en peine, ont témoigné… Mais pas seulement eux ! De
hauts responsables se sont aussi exprimés autour de ce drame et pas toujours
dans la direction où on aurait pu les attendre.
Ainsi un membre du comité d’administration sur une
radio française et le président de la JSK sur une télé privée algérienne se
sont-ils aventurés à pointer du doigt l’arbitre de la rencontre JSK-USMA lui
imputant directement la responsabilité des jets de pierres. Mieux (ou pire
devrions-nous écrire), ces deux dirigeants ne trouvent pas mieux que d’avancer
une thèse pour le moins farfelue : « le joueur se serait trop donné
sur le terrain et il aurait été victime d’un malaise cardiaque ». Drôle de
manière de communiquer après un décès aussi tragique.
Le communiqué du procureur de Tizi Ouzou est venu
mettre le holà à cette dérive en parlant de l’utilisation « d’un objet
contondant et tranchant ». Là aussi, la communication prête à
interrogation : contondant signifiant « qui écrase mais ne coupe pas
et ne perce pas (à l’image d’un marteau, d’un maillet, d’une masse ou d’un pilon) ».
Un objet peut-il être les deux à la fois surtout que le communiqué parle
« d’hémorragie interne » ? Dans les jours qui viennent, le
rapport de la commission d’enquête initiée par le ministère de l’Intérieur
devrait apporter plus de précision.
D’autres responsables ont eux aussi parlé et les
ministres des Sports et de la Communication ont tôt fait de recadrer les
débats. Intervenant par le biais de différents médias, ces deux hauts
responsables ont dit et réaffirmé la détermination des pouvoirs publics de
mettre fin à cette situation de laxisme. Le discours est fort d’autant qu’un
conseil interministériel s’est saisi de l’affaire de la violence dans les stades.
« Laxisme » avez-vous dit ? Le mot
est lâché ! Depuis des décennies, la violence, telle une hydre rampante,
fait des dégâts sur nos stades. En trois ou quatre décennies le profil du
spectateur d’une rencontre s’est considérablement transformé. Le père de
famille accompagné de ses jeunes enfants des années 70 a laissé place,
aujourd’hui, à ceux que certains sociologues ont qualifiés de jeunes sans
repère mis au ban de la société. « Les mauvaises herbes chassent les
bonnes ».
Des paroles nous en avons entendues et même de la
bouche des présidents de la FAF et de la LFP mais voilà le championnat va
reprendre droit de cité et la mort d’Ebossé risque de nous rappeler ce film où
jouait Yves Montand « le hasard et la violence ». Ebossé se serait
trouvé au mauvais endroit au mauvais moment, certains diront
« Mektoub » d’autres « fatalité ». Les actes mettront du
temps à être visibles. Certains sont de l’ordre du matériel : refus
d’homologation de certains stades, installation de caméras de surveillance,
ouverture de TOUTES les portes d’entrée dans un stade, utilisation de stadiers
issus de sociétés spécialisées dans la sécurité et la surveillance (et non pas
des supporteurs formés à la va-vite), établissement d’un fichier national des
fauteurs de troubles, renforcement du barème des sanctions. D’autres mesures
mettront du temps à porter leurs fruits mais elles sont nécessaires car elles
vérifient cet adage « il vaut mieux prévenir que guérir ». Parmi
elles des cours dans les écoles sur les valeurs du sport doivent être initiés,
le Comité Olympique et son président en tête en ont fait leur cheval de bataille.
Une charte prônant la défense de ces mêmes valeurs devrait être signée par tous
les organes d’information tant certains se sont laissés aller à des dérives
avec l’utilisation de termes guerriers là où la lutte contre la violence aurait
été plus de circonstance. La formation de ces mêmes journalistes s’impose car
actuellement après la multiplication des titres de la presse écrite, on assiste
à un foisonnement de chaines de télévisions privées en attendant leurs consœurs
de la radio. Le professionnalisme n’est pas toujours au rendez-vous !
On dit souvent : « à toute chose malheur
est bon » ! Pour que nous puissions avancer tous ensemble sur cette
voie de la lutte contre la violence dans les stades (similaire en tous points à
celle qui sévit sur nos routes), il ne faudrait pas que les paroles ne soient
pas suivies d’actes. Un observatoire indépendant (qui rendrait son rapport
annuel au premier ministre) s’impose dans ce domaine car les décisions, aussi
salutaires soient-elles, doivent être mises en œuvre et leur suivi connu de
tous si l’on ne veut pas qu’un jour ou l’autre ne se répète ce drame de la
perte d’une vie humaine dans une arène sportive.
Abdennour Nouiri, 1er VP de NAPEO
Docteur en sciences économiques de l’université de Montpellier 1 , plusieurs diplômes en langue anglaise
Maître de conférences et directeur du laboratoire Marketic de HEC Alger
Consultant international
Auteur de plusieurs ouvrages universitaires et d’un roman « Mériem ou la déchirure »
Président de deux associations « Start » et « Intercol »
Ancien sous directeur des Investissements au ministère du commerce
Ancien président de la ligue Algéroise du Sport Universitaire
Ancien membre de la Fédération Algérienne de Basketball
Ancien membre du Comité d’Organisation des Jeux Africains d’Alger (1978)
Représentant de l’Algérie durant plusieurs congrès sportifs mondiaux
Ancien pratiquant de haut niveau en Athlétisme et en Handball
Journaliste
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